Avec Michel, on fraie dans l'irrecevable et le ridicule

03/01/2022

Par Nicolas Debard

« Dis quelquefois la vérité, afin qu'on te croie quand tu mentiras » 

(Jules Renard)

Lorsqu'on débite autant d'inepties, de fables, d'inexactitudes à la minute, on f'rait mieux d'se taire ; Non ? Ne trouves-tu pas, cher lecteur, cher « ami » qui me lit ? Je me suis toujours étonné de ce que les propos de Michel Onfray trouvent autant d'audience, qu'il soit invité à la télé, et qu'il y débite autant de sornettes devant des millions de téléspectateurs et d'internautes : bon, attribuons cela au phénomène de masse. Cela n'en reste pas moins pour moi un Mystère, dans le sens le plus sacré du terme. Car, au moins, on ose espérer que ses calembredaines suscitent le débat, ce qui reste toujours une bonne chose. Ma modeste participation à celui-ci - si tant est qu'il existe - se résumera à un exercice de démonstration de l'inexactitude de nombre de ses propos, et donc, par extension, de son raisonnement et de ses déductions. Aussi, avec Théophraste Lebalo, je puis malgré tout m'écrier avec un entrain et un enthousiasme mesurés mais néanmoins sincères : « Qu'est-c'qu'on f'rait sans Onfray », pour nous permettre d'enrichir nos connaissances et notre instruction ? Hein ? J'vous le demande !

Si j'avais été fin internaute-vidéaste, maîtrisant les techniques médiatiques comme la représentation dramatique, j'aurais fait un montage de la vidéo présentée en lien, avec mes réponses, sur un ton plus ou moins humoristique (environ). Mais je suis de la vieille école : je n'utiliserai donc que le verbe, le bon sens et l'écriture pour parfaire ma démonstration. Le lecteur scrupuleux pourra approximativement suivre la vidéo grâce à un minutage, lorsque celui-ci est indiqué.

Avant l'exercice proprement dit, il me semble important d'avertir le lecteur de quelques paramètres à prendre en compte pour une meilleure compréhension et lisibilité de ce que je souhaite démontrer et de mes motivations à le faire (dans le vent, certes : mais « le vent souffle où il veut »).

https://www.facebook.com/viah001/videos/376647396050505/?hc_ref=ARTbnNxuaVnem5T9pdOJ-4DCNjPZsQgIR4VfknmphjAYT8qdhSm-Qu9Z5CBPeMBh8l4

Cet extrait vidéo de moins de 5 minutes, qui présente un extrait d'une intervention du philosophe à l'émission « On n'est pas couché », parle de l'inexactitude de ce qui fait l'objet de la foi chrétienne, appuyant son discours par des arguments historiques, archéologiques, scientifiques, évoquant les textes bibliques et l'histoire de l'Eglise. Michel Onfray présente en fait son ouvrage « Décadence. De Jésus à Ben Laden, Vie et mort de l'Occident » (le titre, au parallèle volontairement provocateur mais qui résume bien l'ouvrage qui devrait bien se vendre), duquel le présentateur Laurent Ruquier semble avoir « appris des tas de choses » (à 1'05 environ). Le lecteur doit savoir que mon argumentation ne portera en rien sur des questions de foi, de croyance ou d'incroyance. L'athéisme affiché d'Onfray relève de ses convictions personnelles et je n'ai rien à redire là-dessus. Je n'ai rien à dire non plus sur la foi des uns et des autres : ça les regarde. Je ne m'oppose aux propos d'Onfray que parce qu'ils présentent des inexactitudes énormes, des raccourcis lapidaires, et des postulats grossiers comme des réalités, des vérités et des faits historiques, scientifiquement démontrés et irréfutables : « c'est comme ça : on n'y peut rien, qu'est-c'que vous voulez, ma brav ' dam' » ! On nage en plein obscurantisme, en fait. Onfray, le pape du sophisme ! Et bien je vais, moi, humble quidam sans voix et « sans dents », sans audience et sans grade, démontrer qu'il n'en n'est rien. Car - croyez-moi - on a du souci à se faire concernant la culture générale de Laurent Ruquier, s'il ne s'en tient qu'à ce qu'il a appris de l'Histoire par l'auteur de « Décadence ». Décadence : nous y sommes en plein, avec la culture et la philosophie de supermarché que nous distille allègrement et sans broncher notre penseur des plateaux-télé, avec un discours bien dans l'air du temps médiatique : démagogiquement transgressif et provocateur. Mon argumentation sera donc exclusivement « scientifique », avec toute la rigueur, le recul et l'objectivité que cela demande. Si j'ai appris et retenu quelque chose de l'Université, sans y être pourtant allé aussi loin que notre philosophe révolutionnaire, c'est bien cela : l'esprit critique et la rigueur scientifique. Michel Onfray, en universitaire qu'il est - reconnu et présenté comme un « philosophe », pédagogue, penseur, mais qui est aussi un homme médiatique, un beau parleur, défonçant les portes ouvertes, débitant des postulats et des lieux communs avec un détachement et une inflexibilité qui laissent pantois tout auditeur ayant un minimum de connaissances historiques, de culture et de bon sens - possède sans doute l'esprit critique, mais celui-ci est assujetti à l'esprit partisan : autant dire que ça ne vaut plus grand-chose, scientifiquement parlant, après passage par ce filtre tyrannique. Quant à la rigueur scientifique et l'honnêteté intellectuelle, il semble en être totalement dépourvu... ou bien il le cache fort habilement. En effet, je ne puis m'empêcher de me poser ce problème : soit Michel Onfray manque vraiment de culture, de références, de connaissances historiques et scientifiques sérieuses, de rigueur et de méthodologie, soit il bonimente, fabule, s'écoute parler, spécule intellectuellement et embobine son auditeur. Un troisième est cependant envisageable : c'est parce qu'il manque sérieusement de culture et de références qu'il bonimente et affabule. Je ne me permettrais pas d'apporter une réponse à ces interrogations : le lecteur appréciera. Mais - tout de même ! - quelle que soit les conclusions ou l'analyse que chacun pourrait en tirer, une question demeure, qui me semble un tantinet essentielle : que penser d'un raisonnement, d'une pensée, d'une démonstration, d'un discours entièrement fondé sur des inexactitudes, des erreurs, des mensonges historiques et scientifiques ? Et ça passe à la télé ? Dans une émission hyper populaire ? N'y a pas un problème, là ? Où bien je n'y comprends rien...

Alors allons-y : des mots et démo ! On s'accroche parce ce ne sont que 5 minutes, mais bien denses.

Le début (de 0'00 à 0'30 environ) :

Monsieur Onfray, après avoir dit qu'il ne contestait pas l'existence de Jésus, évoque le personnage historique comme un mythe (au même titre que Madame Bovary, par exemple). Il n'y a rien de contestable ici, bien entendu : c'est son opinion, et elle est respectable. Toutefois, ce passage est un peu confus et l'on aurait aimé avoir des précisions sur ce qu'il entend par « exister » et « personnage historique ». Si, en tout cas, un personnage historique est quelqu'un qui a marqué l'histoire et qui a existé (ou pas), il est aisément observable que l'on compte les années et les siècles à partir de la naissance présumée de Jésus-Christ et non de celle de Madame Bovary. Mais... Passons. Onfray résume assez bien et justement les débuts du christianisme : une secte juive qui avait reconnu en Jésus le Messie annoncé par les Prophètes et préfiguré par la Thorah (la Loi). Jusque-là, tout va bien. C'est ensuite qu'on rigole : lorsque notre philosophe va se lancer, à son grand dam, dans une présentation et une analyse de l'histoire de l'église.

(0'25)

« Tout ce qui est annoncé est présentifié et on nous dit : il a existé. Et on fabrique le Nouveau Testament... ». Ici aussi : ce n'est pas vraiment faux mais cela manque cruellement de rigueur et de précision... On le « fabrique » : Où ? Quand ? Qui ? Comment ? Pourquoi ? Pendant combien de temps ? Or, ici, à entendre notre exégète, on pourrait aisément imaginer une bande de mecs qui se réunissent dans une piaule et qui pondent arbitrairement le « Nouveau Testament ». Mais nous y reviendrons : d'autres de ses assertions décalées et inexactes viennent bientôt qui nous donneront l'occasion de revenir sur l'histoire longue et complexe du « canon » des Ecritures sur laquelle se sont penchés, se penchent et se pencheront encore des générations d'historiens et d'archéologues, et que Monsieur Onfray réduit en un seul verbe : « fabriquer ». Avouez que ça manque un peu de corps. De même, un détail certes sans grande importance mais qui révèle sa totale ignorance du sujet dont il parle : « L'Epiphanie », c'est la « Bonne nouvelle » précise-t-il, par souci pédagogique probablement. Pourtant, un philosophe, ça devrait avoir quelques notions de grec ! Ebé non : il a dû oublier ses lettres classiques. Vous ferais-je l'affront de vous rappeler que « Bonne nouvelle » vient du grec « evangélion », qui a donné « Evangile », soit « bonne nouvelle ». Epiphanie, toujours du grec « epiphaneia », signifie quant à elle « manifestation, apparition soudaine ». Bien qu'il y ait forcément un lien avec la « Bonne nouvelle », celle-ci n'est pas « ἐπιφάνεια » mais « εὐαγγέλιον ». A l'Epihanie, l'Eglise célèbre à la fois l'adoration des Mages, le baptême du Christ dans le Jourdain et le miracle des noces de Cana et c'est le moment de la « bénédiction des eaux ». Un détail, sans doute, oui... Peut-être un lapsus. Bref, passons... Bien qu'on en ait lapidé pour moins que ça (médiatiquement). En tout cas, lisez donc le livre d'Onfray, « Décadence » : vous y apprendrez « des tas de choses », dont celles qui suivent.

(à partir de 0'40 environ). Aïe, aïe, aïe !...

Je transcris : « Par la suite, évidemment, quand cette petite secte devient une religion, c'est-à-dire quand l'empereur se convertit lui-même, on épaissit tout ça. Et on va lui trouver un père, une mère, une enfance, un village - Nazareth -, le bœuf, l'âne, etc. On invente une histoire, une enfance. »

« Pouêêêêêt... (pouce vers le bas) » (ça, c'est le bruitage et l'animation flash qui auraient accompagné le montage vidéo que j'aurais aimé mais que je ne sais pas faire, si je l'avais fait)

Là, c'est du condensé ! On s'arrête un moment avant de poursuivre avec le condensé suivant.

« Quand cette petite secte devient une religion... » : déjà, quelle est la frontière entre la « secte » et la « religion ? Je crois comprendre, dans le contexte, qu'il s'agit ici d'une question numéraire, de « poids » social : la « secte » étant entendue comme un groupuscule marginal et plus ou moins clandestin et dans tous les cas « non reconnu », et la religion un groupe numériquement important, institutionnalisé et plus ou moins reconnu socialement. C'est du moins l'hypothèse, communément admise, sur laquelle je pars, à défaut de précisions qui auraient pourtant été nécessaires, à ce niveau du discours. Poursuivons.

« ... C'est-à-dire quand l'empereur se convertit lui-même ». Donc, si je comprends bien, la secte (indéfinie) serait devenue religion (indéfinie aussi) lors et à cause de sa reconnaissance officielle comme « religion d'Etat » par l'empereur Constantin. Mais cette fable, qui veut nous faire croire que la secte des chrétiens aurait soudainement pris de l'ampleur et de l'importance, se serait organisée, aurait fabriqué une Tradition de toute pièce par le fait de sa reconnaissance par l'Empereur romain correspond-elle vraiment à une réalité historique ? La question n'est pas tranchée mais il est bien possible que ce soit le contraire qui se soit produit : parce que la secte des chrétiens, malgré les nombreuses et massives persécutions dont elle fut victime au gré des empereurs pendant trois siècles, ne cessait de perdurer, de croître, de s'organiser et d'infiltrer toutes les couches sociales (la propre mère de l'empereur Constantin était chrétienne), les « tribus » et les peuples de l'empire, bien que restant minoritaire, parce qu'elle était structurée, avait son rite, ses écritures, sa tradition, l'empereur reconnaît progressivement, au cours des années 330, le christianisme et y adhère. L'empire romain était devenu chrétien. Cette religion (c'en était déjà une, en fait...) était l'avenir. Constantin, en empereur responsable et en homme d'Etat avisé et fin stratège, l'a certainement bien compris, s'est juste rangé à la raison pour en tirer tous les avantages. Mais il est indéniable cependant que beaucoup de choses ont changé dans l'Eglise et dans l'empire à partir du IVe siècle (seulement) et de cette reconnaissance et officialisation du christianisme et de son institution existante, notamment par le lien étroit et pernicieux qui s'est tissé entre les pouvoirs temporel (de l'empereur) et spirituel (des évêques), notamment à Byzance (Constantinople), l'empire romain d'Orient, nouvelle capitale de l'empire et nouvelle Rome. Et les persécutions changèrent parfois de camp, les religions animistes ou païennes ont été progressivement effacées, remplacées, pas forcément ni nécessairement par la violence (car elles étaient en forte baisse de cote, à l'époque) mais principalement par une « christianisation » de leurs anciens rites, les persécutions où les conversions de force sembleraient plutôt exceptionnelles. Bref, en gros, la question reste ouverte, bien qu'Onfray, dans sa grande clairvoyance, semble l'avoir tranchée. Mais ce n'est pas fini : il y a encore plus fort !

(0'54'' environ) « Il y a pléthore d'Evangiles... 50, 60, 70... Pourquoi n'en connait-on que 3 ou 4 ? »... Heu... 4, précisément (souvenez-vous du caté, rogntudju !). Quant aux Evangiles, oui, bien sûr, l'Eglise a fini par en reconnaître 4 sur la « pléthore ». Toutefois, s'il y a bien pratiquement 80 écrits apocryphes connus, tous ne sont pas des « Evangiles » (rappelons-nous : récit de la « bonne nouvelle », c'est-à-dire, de l'annonce du message christique) : des Evangiles il y en a une quinzaine de recensés, plus d'autres récits et extrait de la vie de Jésus ou de ses proches. Le reste représente des actes, des épîtres, des homélies, des apocalypses et divers autres écrits. Le choix des 4 Evangiles retenus a été certes officialisé tardivement et en des périodes différentes et par étapes en occident et en orient, mais, en pratique, ils sont déjà reconnus comme ayant un statut particulier, et ce dès le IIe siècle. Irénée de Lyon en parle déjà, les cite et les énumère en 170 (Contre les Hérésies, III, 1,1 et 11,8). Bon, un détail, me direz-vous... Un détail de 130 ans d'écart : une broutille quoi.

Quoi qu'il en soit, la question de la formation du canon des Ecritures ne peut se réduire à « on les a fabriquées ». On aurait « fabriqué » aussi, à partir de cette officialisation de la religion chrétienne, une biographie, puis les images. Or, la bio se trouvait déjà dans les 4 évangiles cités par Irénée dès 170, et l'on trouve des traces d'iconographie chrétienne dans les catacombes et églises paléochrétiennes dès les premiers siècles, sous forme de symboles (chrisme, poissons, pain, coupe) ou de paraphrase (le christ-berger, par exemple). En revanche, l'art de l'icône et la vénération des icônes sont en effet plus tardives. On y vient : cela vaut son pesant d'or.

(On est à environ à 1'04) Laurent Ruquier a appris, parmi les tas de choses, que « l'impératrice Théodora, en 842, décide qu'on va pouvoir représenter le Christ, ce qui n'avait pas été fait jusque-là ». L'invité confirme : « Voilà. Et ça change tout. C'est-à-dire, il y a un concile. Et le concile, à l'époque, c'est une quinzaine d'évêques, dont certains sont mariés avec deux ou trois femmes, certains sont des alcooliques, certains ont été payés, certains sont des crétins incultes, ils sont là en train de voter et puis ils disent 'alors, est-ce qu'on a le droit de présenter la figure de Jésus ou est-ce qu'on n'a pas le droit ? Quand on prie une icône, est-ce qu'on prie véritablement Dieu ou est-ce qu'on ne prie pas un bout de bois auquel cas on serait dans le fétichisme, on serait dans le paganisme ?' Et elle dure pendant très longtemps cette querelle jusqu'à ce qu'on tranche un jour. [...] à partir de ce moment-là, on commence à peindre un Jésus, à sculpter Jésus, à figurer Jésus, puis Marie, Joseph, etc. » Alors-là, chapeau bas pour la description du concile ! On s'y croirait : trois pelés et quatre tondus corrompus ou débiles décident en catimini d'un truc qui va révolutionner la face de l'humanité. Onfray veut sans doute parler du « silencion », une instance impériale qui n'est pas un concile, convoqué par l'impératrice Théodora, qui entérina les décisions du deuxième Concile de Nicée en 843. Mais c'est ce Concile de Nicée, septième et dernier concile dit « œcuménique », convoqué précédemment par l'impératrice Irène en 787, qui, en réalité, condamna l'iconoclasme. Il rassembla pendant plusieurs mois « 365 évêques. 37 seulement viennent d'Europe, dont un fort contingent de Sicile. L'essentiel vient d'Asie Mineure. Le pape Adrien Ier est représenté par deux légats, tous deux nommés Pierre, qui ne sont pas évêques : l'archiprêtre de la basilique Saint-Pierre, et l'abbé du principal monastère grec de Rome. Les patriarches orientaux, bien que dûment convoqués, n'ont pu, en raison de la guerre entre l'Empire byzantin et le califat musulman, ni venir, ni se faire vraiment représenter ; deux Palestiniens non évêques sont censés être leurs « tenant-lieu » (τοποτηρηταί) : le prêtre Jean de Jérusalem (pour Jérusalem et Antioche) et l'higoumène Thomas (pour Alexandrie). Sont en plus présents 132 moines, dont au moins (parmi ceux dont l'origine est identifiable) 25 de Bithynie, 18 de Constantinople, 19 du reste de l'Asie Mineure et des îles de la Mer Égée, et aucun connu venant d'Europe. Des fonctionnaires impériaux sont également chargés d'assurer le bon déroulement du concile. Le principal est le futur patriarche Nicéphore, alors simple laïc, mais qui est « commissaire impérial » (βασιλικός μανδάτωρ) auprès du concile. Il est par exemple chargé, avant la première session, d'aller chercher le vieil évêque Grégoire de Néocésarée, iconoclaste repenti, et surtout dernier survivant du concile de Hiéreia. Un autre fonctionnaire laïc qui joue un rôle important est le patrice Nicétas, cousin de l'impératrice Irène. » (Wikipédia/Concile de Nicée II). Le deuxième concile de Nicée trancha en effet en faveur de la représentation du Christ et des saints et de la vénération des icônes pour le culte, à la suite d'une querelle qui agita l'empire byzantin pendant plus d'un siècle (de 726 à 843, dans l'orient chrétien uniquement) de façon passionnée et parfois aussi violente. « Le concile affirme que l'honneur rendu aux images s'adresse non à l'image elle-même mais à la personne qui y est représentée. Il établit une distinction entre l'adoration qui ne doit s'adresser qu'à Dieu et la vénération que l'on porte à des images, à des reliques ou à des saints pour rendre grâce à Dieu. Il condamne les iconoclastes comme des négateurs de l'incarnation de Dieu. » (Wikipedia/Concile de Nicée II). On est loin de la partie de cartes des « conciles de ce temps-là » décrite par Monsieur Onfray. Plus sérieusement, l'on peut déjà déduire par simple bon sens que s'il y a eu querelle, c'est que l'icône et sa vénération étaient contestées, donc existaient (au moins avant 726). Mais l'on sait aussi que l'icône existe depuis le IVe siècle. Tous ces faits sont connus, avérés, vérifiables par toi, qui me lis. On a des chiffres, y'a des chroniques, des recherches, des annales, des écrits. Comment Monsieur Onfray l'ignore-t-il à ce point ? Par la suite, l'iconoclasme revint par un silencion convoqué par l'empereur Léon III dit « l'Isaurien » (ou « le Syrien). Mais c'est en effet l'impératrice Théodora qui mettra fin à la seconde période iconoclaste. « Ce ne fut qu'en mars 843 que Théodora se décida à rétablir le culte des images. Pour y parvenir elle convoqua, non pas un concile des évêques qui s'y serait opposé puisque la presque totalité d'entre eux professaient l'iconoclasme déclaré par l'empereur, mais un silention, comme l'avait fait Léon III pour établir l'iconoclasme, lequel se réunit au palais de Théodora [il s'agit sans doute de l'assemblée véreuse décrite par Onfray ?]. Comme doctrine, l'iconoclasme ne générait plus de passion : il fut rejeté par la simple réaffirmation des conclusions du concile de Nicée de 787. » (Wikipedia/Période iconoclaste de l'Empire byzantin). Bref, dans une immense confusion de terminologie, de dates, d'événements, Michel Onfray réécrit l'Histoire, dans le seul but d'étayer ses hypothèses, visiblement. La réécriture continue, toujours plus intensément. Il ferait mieux de consulter Wikipedia plus souvent... (je précise que mes sources ne viennent pas de Wikipédia mais je cite wikipédia, après vérification, parce que c'est bien pratique)

(Environ 2'40'') « Quand Jésus est censé naître, Nazareth n'existe pas. C'est ce que nous apprennent les archéologues. Ils nous disent : 'Non, c'est une ville postérieure'. » Alors, bon... Toujours la même approximation : « C'est ce que nous apprennent les archéologues »... Lesquels ? Tous ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Qu'en est-il vraiment ? « L'archéologie », précisément, remonte les traces humaines sur les lieux actuels de Nazareth au paléolithique. Restes du IIIe millénaire (av. J.C.) et restes abondants du IIe millénaire. De la période hellénistique (IIe s. av. J.C.), les fouilles montrent un village, assez étroit. « De l'époque évangélique demeurent les substructures des habitations, en fait des grottes spacieuses que surmontaient des éléments construits. Le caractère partiellement troglodyte des habitats épars (puisque les grottes servaient d'entrepôts) pourrait expliquer son nom : Nazareth, c'est-à-dire 'caché '. ». (Wikipedia/Nazareth) Toutefois, à l'époque romaine, le lieu ne semble pas encore avoir le nom qu'on lui attribue aujourd'hui. Le nom de Nazareth « ne figure pas dans la liste des villes de la tribu de Zabulon mentionnée dans le livre de Josué (19,10-15). Le petit village n'est même pas mentionné par Flavius Josèphe, commandant des rebelles de la Galilée avant la première révolte contre Rome (66-74 av. J-C). « En 1962, des fouilles réalisées au sein de la synagogue de Césarée Maritime ont mis en lumière un fragment d'inscription , de forme carrée et rédigée en hébreu. Le texte retrouvé liste le nom des familles de prêtres dont celle d'Happizzez, résident de Nazareth : l'épigraphe témoigne donc de l'existence d'un village à partir du IIème siècle ap. J-C. » (nazareth-fr.custodia.org/default.asp?id=6119). Récemment, un archéologue dit avoir peut-être découvert la maison de Jésus, datant du 1er siècle, sur le site de Nazareth, donc. Cette découverte est contestée et contestable, quant à l'idée qu'il s'agirait de la maison de Jésus. Mais ce qui est sûr, c'est que la maison, elle, date du 1er siècle, malgré tout. Il y avait bien donc un habitat en ces lieux à l'époque du Christ, appelé Nazareth ou pas encore. Est-il absurde de penser que les Evangiles ont été écrits après que ce lieu ce soit appelé Nazareth ? Ou peut-être même l'ont désigné comme tel, ou lui ont donné son nom ? Encore une question ouverte qu'Onfray a refermé par ses certitudes absolues.

Les Evangiles, c'est bien connu, et reconnu, même par les croyants, contiennent des contradictions, sans en en être « bourrés », toutefois (ou alors, il faut définir le seuil de bourrage). Ce n'est pas étonnant, vu leurs origines, leurs auteurs différents, et étant donné qu'ils sont la transcription d'une tradition orale, bien plus large. Je dirais que ces contradictions représentent plutôt une preuve que les textes n'ont pas été modifiés à des fins idéologiques et religieuses, comme le prétend notre philosophe de bistrot, mais, au contaire, ont été minutieusement conservés tels quels, avec leurs erreurs et contradictions, afin d'en préserver l'authenticité. En revanche, la thèse selon laquelle l'imagerie, la théologie, la structure, le culte de l'Eglise, le canon des Ecritures, se seraient élaborés qu'après la reconnaissance du christianisme par l'empereur Constantin au IVe siècle (avant, les chrétiens n'étaient qu'une secte d'originaux illuminés et sauvages) ou celle selon laquelle l'iconographie chrétienne ne fut instituée qu'au IXe siècle suite à la querelle iconoclaste, ne tiennent pas : elles ne correspondent pas à la réalité historique de l'Eglise. L'Eglise n'a pas attendu Constantin et les clés du pouvoir pour s'organiser, fonctionner, définir sa doctrine, produire et lister ses Ecritures, et pour représenter le Christ. Dispersée dans le monde connu, sans Internet ni téléphone, sans TGV ni avions, elle était unie autour d'un même message qui leur venait des apôtres et qui était transmis, par tradition orale, de disciple à disciple, les évêques, successeurs des apôtres. Irénée, évêque de Lyon au IIe siècle était disciple de Polycarpe, lui-même disciple de l'apôtre Jean. Voici ce dont il témoigne déjà en 170 (ce n'était donc déjà pas une nouveauté) :

En effet, L'Eglise bien que dispersée dans le monde entier jusqu'aux extrémités de la terre, ayant reçu des apôtres et de leurs disciples la foi en un seul Dieu, Père tout-puissant, qui a fait le ciel et la terre et la mer et tout ce qu'ils contiennent, et en un seul Seigneur Christ Jésus, le Fils de Dieu, qui s'est incarné pour notre salut, et en l'Esprit Saint, qui a proclamé par les prophètes les économies, la venue, la naissance du sein de la Vierge, la Passion, la résurrection d'entre les morts et l'enlèvement corporel dans les cieux du bien-aimé Christ Jésus notre Seigneur et sa parousie du haut des cieux dans la gloire du Père, pour récapituler toutes choses et ressusciter toute chair de tout le genre humain [... NDR : s'ensuit toute une profession de foi ... ]. Ayant donc reçu cette prédication et cette foi [...], l'Eglise, bien que dispersée dans le monde entier, les garde avec soin, comme n'habitant qu'une seule maison, elle y croit d'une manière identique comme n'ayant qu'une seule âme et qu'un même cœur [...]. Car si les langues diffèrent à travers le monde, le contenu de la Tradition est un et identique. Et ni les Eglises établies en Germanie n'ont d'autre foi ou d'autre Tradition, ni celles qui sont chez les ibères, ni celles qui sont chez les Celtes, ni celles d'orient, de l'Egypte, de la Lybie, ni celles qui sont établies au centre du monde. (Contre les Hérésies, I, 10, 1-2).

(à environ 2'50'') « Donc, quand on met en perspective ces textes sacrés avec l'Histoire, avec l'archéologie, avec la réflexion, avec les textes, l'analyse des textes.... » Et là, il embranche sur autre chose et ne termine pas sa phrase ni le développement de son idée : on ne sait pas ce qui se passe quand on met en perspective etc. Quoi qu'il en soit, je crois avoir jusque-là suffisamment démontré que les notions historiques de Michel Onfray sont plus qu'approximatives voire carrément fantaisistes, que ses connaissances archéologiques semblent plutôt vagues, et sa réflexion, faussée par des données et des fondements erronés. Quant aux textes et leur analyse, on ne l'a pas attendu : les Pères et docteurs de l'Eglise les ont décortiqués en long en large et en travers, dans la langue originale, des sommes ont été écrites à leur propos depuis des siècles par des gens qui avaient au moins autant de science que notre penseur pseudo-révolutionnaire, moralisant et idéologue, mais ils n'en tirent pas les mêmes conclusions, et c'est tout à fait normal, parce que mécanique : une analyse, oui, mais dans quel but ? Que ce soit pour approfondir leur message ou bien pour démontrer leurs contradictions et leurs erreurs, l'analyste y trouvera toujours ses réponses. Michel Onfray a les siennes mais l'on doit prendre en compte, en ce qui le concerne, que ses réponses sont le fruit d'un raisonnement construit sur des bases et des données erronées.

(à environ 3'00) « Parce qu'après les moines recopient. II, III, IV, V, VIèmes siècles, on recopie. Puis parfois quand il manque une phrase on rajoute une phrase.[...] Dans Suétone, dans Flavius Josèphe, enfin, dans tous les textes où il est question de Jésus, on dit 'mais si, regardez, c'est la preuve, Tacite, Suétone, Flavius Josèphe, ils en parlent. Sauf que les textes originaux, on ne les connait pas, on ne les a pas. On a des copies tardives qui ont été refaites par des moines qui ont dit 'tiens, Tacite il a oublié Jésus !' Et il rajoute deux ou trois choses. » C'est bien. On s'y croirait. Y'a les dialogues et tout. On imagine bien un moine copiste quelque part en Syrie, au Ve siècle qui se dit tiens : là, je vais rajouter ça. Puis un autre, en Italie, au VIe siècle, qui va rajouter autre chose. Non... Ce n'est pas sérieux ! La tentation est grande, certes, de penser que l'Eglise, c'est-à-dire, dans l'esprit de beaucoup et à tort, quelques élites qui en tiennent les rênes, a volontairement trafiqué non seulement ses propres Ecritures mais tous les textes antiques pour les rendre conformes à sa théologie. Simultanément en tous les endroits de la terre connue et en différentes époques, puisque, les copies se faisaient de manière continue et répétée pendant des siècles, jusqu'à la révolution de l'imprimerie. Mais qui aurait orchestré tout ça ? Et pourquoi ont-ils laissé des "contradictions" dans les textes bibliques ? Pour donner un bâton pour se faire battre ? Pour que Michel Onfray nous révèle enfin la Vérité ? Là se mesure son abyssale ignorance concernant cette période du Moyen-Âge et sur l'organisation de l'Eglise en ces époques lointaines. Notre philosophe raisonne en occidental, marqué par l'Eglise catholique, apostolique et romaine. Il pense sans doute que, de tout temps, l'Eglise a fonctionné comme à Rome, de manière centralisée et pyramidale. Il n'en n'est rien. Cette particularité est propre à l'église latine d'occident, séparée depuis 1000 ans avec les autres églises d'orient. L'exercice du pouvoir dans l'Eglise est conciliaire, le conciliaire ne se réduisant pas au concile, événement ponctuel dont l'importance est relative. Le conciliaire implique l'adhésion de toute l'Eglise. Les décisions des conciles sont ensuite éprouvées par l'histoire et doivent être reçues, affirmées, vécues, par toute l'Eglise : clerc, laïcs, moines... Il y eut de nombreux conciles locaux qui jalonnèrent le Moyen-Âge, tant en occident qu'en orient, sept seulement furent définis comme « œcuméniques ». Mais les différences culturelles, de langue, entre l'empire latin d'occident et grec d'orient et les tensions qui en résultent ne permettent pas un fonctionnement unilatéral de l'Eglise. Il n'y avait pas de pouvoir centralisé et l'Eglise n'avait pas vraiment les moyens d'orchestrer et d'harmoniser un tel simulacre des textes. Des erreurs de copies, il y en a eu, forcément... Une lettre par-ci, une ponctuation par-là : l'étude comparée des différentes copies le montre. Elle montre aussi que les copistes effectuaient un travail très scrupuleux. C'est faire bien peu de cas de ce qu'était cette noble tâche au Moyen-Âge de penser que, au gré de leur fantaisie, les milliers de copistes qui se sont succédé pendant des siècles, ont changé, tous et de concert, les écrits antiques. Du Onfray tout craché... Nous prendrait-il, prendrait-il les autres et les anciens, pour des cons ? De toute évidence. Et il faut se méfier des cons, parce les cons, ça ose tout !

Et oui, la réflexion peut s'avérer utile, en effet... Et la logique, et le bon sens, et la simplicité : tout ce qui semble faire défaut à notre médiatique philosophe qui termine en beauté avec « Donc, les preuves historiques, y'en n'a pas ; les preuves de texte [NDR : « écrites », ou « scripturaires », qu'on dit, M'sieur Onfray], y'en n'a pas » Ite missa est ! Suivent les seuls propos justes et sensés de cette pathétique démonstration historique. C'est certain : en réunissant tous les morceaux de vraie Croix parsemés dans le monde, il y aurait de quoi construire une arche. Là encore, Onfray enfonce des portes ouvertes en pensant peut-être faire un scoop.

Décadence : autrefois nous avions des Platon, des Sénèque, des Aristote, des Montaigne, des Pascal, des Nietzche, des Deleuze. Aujourd'hui, nous avons de Finkelkraut et des Onfray. On a sans doute les philosophes qu'on mérite. N'empêche que "vivement la nouvelle génération".

En attendant, on f'rait mieux d'aller se coucher, tiens !

Nicolas Debard, le 7ème jour de novembre de l'an de grâce 2017

"Qu'est c'qu'on f'rait sans Onfray ?" (Théophraste Lebalo)
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